Jean-Claude Boulos

Les mots d’hier

Adieu les mots d’hier, insensés, obsolètes
Les mots en joie, les mots en miel, les mots en fête
Des mots qui sentaient bon toutes nos espérances
Des mots qui formaient des phrases d’excellence

C’étaient unité
Fraternité
Indépendance
Et inconscience
La justice
Pour tous nos fils
Union sacrée
Jeunesse nacrée
La vie en fleurs
Les fleurs bonheur
Les cèdres millénaires
Cà sent bon la terre
C’était Sidon, c’était Tyr
C’était l’encens, la myrrhe
C’était Baalbeck
Les Romains, les Grecs
Festivals
Carnavals
Hospitalité
Cordialité
Joie ivre
De vivre

Je t’aime
Tu m’aimes
Amour
Toujours
Main dans la main
Les lendemains
De victoire
La grande histoire
Liban uni
C’était la vie

Aujourd’hui d’autres mots dans nos vocabulaires
Parlent de larmes, parlent de morts, parlent de guerre
Des mots qui traduisent mieux, notre désespérance
Des mots qui sonnent le glas de nos indépendances

Liban désuni
Tout est fini
Vive les grades
A bas les grades
Y a les obus
Y a les abus
Il y a Sidon où il y a tir
La mort a remplacé la myrrhe
Désunion sacrée
Jeunesse bâclée
La vie en pleurs
Les pleurs malheurs
Les cèdres malades
La terre en rade
Je te tue
Tu me tues
A mort, à mort

Au corps à corps
Y a plus demain
Y a plus de matin
C’est l’agonie
Morne folie
La désunion
Dans les passions
Toi tu es toi
Moi je suis moi
Des mortiers
En guise de jouets
Il y a l’Est
Et l’Ouest
L’Est de l’Ouest
L’Ouest de l’Est
Il y a le mot déteste
Ceux qui restent
Ceux qui pleurent
Ceux qui meurent

Adieu, les mots d’hier, vive les mots d’aujourd’hui
Ils riment avec folie, avec oubli, avec la nuit
Ils sont plus percutants et ils frappent plus fort
Car les mots d’aujourd’hui sont les mots de la mort

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