AMERTUMES (1990)

03.08.08

AMERTUMES (1990)

Permalien 14:40:09, Catégories: Bibliographie, Amertumes  

Deux heures du matin

Il était deux heures du matin
DEUX HEURES DU MATIN
Quand soudain
Dans un coin
De la nuit dans un coin de la maison
Dans un coin de ma déraison
Une sonnerie venue du fond d'un désespoir
Retentit froide, glacée
Comme la nuit, glacée
Comme la nuit, froide
Comme la nuit, noire

Nous sommes blessés
Dit la petite voix dans un sanglot retenu
Blessés
BLESSES
La minute qui suivit
Mais y a-t-il des minutes qui suivent
Un moment de détresse,
Fut longue comme une éternité
Froide comme la nuit glacée
Noire comme la nuit noire.

Et notre cœur qui bat
Mêle ses chamades aux éclats des bombes
Aveugles, meurtrières,
Et la nuit est plus noire encore
Sous les éclats
Et la nuit est plus froide encore
Sous leurs éclats
Et la nuit est plus froide encore
Et la nuit est plus glacée, encore
Et encore, et encore.

Mes phares balaient la nuit
Comme s'ils s'accrochaient à l'espoir
Des lueurs
Des lueurs de l'espoir,
Des lueurs de l'angoisse
Et des mots pas vrais,
Pas possibles,
Pas eux, non pas eux
Et je roule encore la nuit
Noire, froide, glacée
Comme sont mes mains, mon cœur,
Mon corps
Froids, glacés

Des tâches de sang lui couvrent le corps
Il est deux heures du matin
DEUX HEURES DU MATIN
Son amour est à terre
Il gémit son mal,
Il est blanc, autant la nuit est noire
Il est froid, autant la nuit est froide
Il a les mains glacées, autant la nuit est glacée
Leur enfant dort
Dans un couffin intact
Leur enfant dort
Il est tranquille
Au milieu des éclats
Au milieu de la nuit
Au milieu des ennuis

De nouveau mes phares balaient la nuit
Interminable
D'une route interminable,
D'une angoisse interminable,
Avec à chaque bosse de l'asphalte noir,
Un cri
Un gémissement,
Des crissements
De frein
Des hurlements
De bombes
Qui tombent, tombent, tombent,
Comme des tombes
Noires, glacées, froides
Comme cette nuit
Qui n'en finit plus.

Couchés sur leurs brancards
Ils attendent, l'œil hagard
Qu'on les regarde
Qu'on les soigne
Car autour d'eux
Autour de moi
La guerre a fait d'autres victimes
Les soldats de naguère
Les soldats de la joie
Les soldats de la fanfare
Les soldats du sourire

Sont là autour de moi,
Les soldats de la guerre
Blessés, saignant à mort,
Le bras arraché,
L'oeil crevé,
Le ventre atteint
Le pied déchiqueté

Le sang est partout
Rouge autant la nuit est noire,
Un gilet pare balles
Qui n'a rien arrêté
Traîne, rouge sur le parquet
Un uniforme en lambeaux
Est transformé en bandages
Et nous, qu'allons nous faire
Nous aussi nous sommes victimes
De cette sale guerre
Voici mon sang
Je sens passer le temps
Je sens passer la nuit
Je sens passer ma vie
Dites-moi je vous prie.

Alors les gens courent dans le bruit
Alors les gens crient dans la nuit
Moi qui croyais, naïf
Que çà n'arrivait qu'aux autres
Qu'aux mauvais apôtres
Çà nous arrive à nous
Dans la solitude froide
Des salles de radio
La vérité m'apparaît
Ecran de la vie
Tout est devant mes yeux
Les larmes coulent dans ma bouche
Le goût est amer.

Il était quatre heures du matin
QUATRE HEURES DU MATIN
Tous les deux iront bien
Lui gardera longtemps
Dans son poumon
Le souvenir de cette nuit sans fin
Et moi je garderai longtemps
Dans mon esprit
Le souvenir des cris
De ces cris
Dans la solitude des chambres d'hôpital
Froides, glacées et blanches,
Dans l'angoisse des couloirs
Froids, glacés et rouges.

Il est six heures du matin
SIX HEURES DU MATIN
Maintenant il dort
Elle lui tient la main
L'aube chasse la nuit
Aube triste, d'un jour triste
Aube glacée qui suit une nuit glacée
Elle dessine les formes
Des arbres endormis
Un coq a encore le courage de chanter
Des oiseaux ont encore la force de voler
Le soleil a encore l'insolence de paraître
La vie a encore la folie de renaître.

Je les regarde tous les deux
Elle a pour lui des yeux
De l'infinie tendresse
Il lui serre doucement la main
Complice de sa tendresse
Complice de son amour
Complice de sa douleur
Dans sa douleur,
Je sens qu'il lui sourit
Je sens qu'il est guéri
Qu'il a vaincu la nuit
Noire, froid, glacée.

Il est sept heures du matin
Sept heures du matin
La nuit est finie …

Pas la guerre!

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Jean-Claude Boulos

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